octobre 11, 2015

Juif au maroc Pèlerinage à Rabbi Haim Pinto a Saouira

Juif du Maroc
Communauté Juive au Maroc

Pèlerinage à Rabbi Haim Pinto.


Pour connaitre Lea Benhamou et sa passion d'ecrire, mais également son amour du 
Patrimoine Juif Marocain, cela est un plaisir que de pouvoir faire paraitre ici son texte descriptif d’une visite à la Hilloula de Rabbi Haim Pinto (z’’tl) à Essaouira .

.............Georges SEBAT

UNE JOURNEE A ESSAOUIRA

PELERINAGE A RABBI HAIM PINTO

(Dimanche 20 Septembre 2014)

Ont participé à cette journée: Alain KRUMHORN, Samuel AMSELLEM, Fatima AHANSSAL, Léa BENHAMOU

CASABLANCA-ESSAOUIRA

7h00 du matin: Réveil pour Fatima AHANSSAL et Léa BENHAMOU. Après une heure de préparation, elles avalent un café à la va-vite et pointent au coin de la rue, à l’Hôtel East West où logent leurs hôtes. Elles font les cent pas sur le trottoir pendant qu'Alain KRUMHOM prend une douche. Celui-ci n’a pas le temps de prendre son petit déjeuner et préfère démarrer de suite à 8h30 dans une clio de location à destination d’Essaouira avant que la ville ne se révéille complètement et pour éviter les embouteillages. Il faut se dépêcher de rejoindreSamy AMSELLEM, parti assister à la Hilloula de Rabbi Haïm PINTOavec deux amis rencontrés à la Synagogue, à la sortie du Shabbat.

Nous passons à la Pompe d’essence Shell pour faire le plein avant de prendre la route de Marrakech. Nous laissons derrière une pluie battante. Notre chauffeur est frais, dispos, généreux et attentionné, ce que nous apprécions fort car de nos jours, les «gentlemen» ne courent pas les rues. Nous commençons la journée par un café/biscuits dans une aire de repos. Dans la voiture, les discussions abondent, plusieurs thèmes sont échangés. Chacun raconte ses anecdotes pour tenir compagnie à Alain. Au cours de ce voyage, nous voyons défiler un paysage tantôt verdoyant, tantôt sec. Une locomotive de marchandise passe à vive allure. Au-dessus de nous, le ciel est gris et chargé d’épais nuages, promesse de nouveaux orages. Les heures passent vite...

«Parler est un besoin, écouter est un art» Von Goethe

«L’arme de la parole» est fatale, je la monopolise pendant un moment car elle a pour objet de dissiper l’ennui et la monotonie de l’autoroute. Fatima est absorbée à répondre à ses nombreux messages. Elle est sollicitée de partout et a beaucoup de succès. Elle paraît en même temps fragile et résistante. Comme elle est silencieuse et sage la petite Berbère ! De temps à autre, elle intervient pour raconter un épisode de sa vie et j’ai l’impression qu’Alain AZRIA fait partie du voyage. Fatima prononce souvent son nom. Je comprends qu’ils sont liés d’une solide amitié qui dépasse tous les clichés. C’est un Monsieur que j’aime bien et que je respecte car il a en lui la bonté et la compassion. A travers les propos de Fatima, j’ai l’impression de mieux le connaître. 

Alain KRUM évoque sa jeunesse et ses précédents séjours au Maroc, notamment au Club Méditérannée de Tanger. Son opulente chevelure blanche contraste avec un visage rond et lisse, mais nous sommes contentes d’être avec lui. Samy nous fait défaut, sa gaieté surtout. Nous avons hâte d’arriver et de manger les sardines qu’il a commandées pour nous.

A quelques kilomètres d’Essaouira, au carrefour de Chichaoua, lassé de conduire, Alain roule plus vite en ignorant la limitation de vitesse. Au tournant, nous sommes surpris par des gendarmes qui nous signalent un excès de vitesse.

Le gendarme exige de nous les papiers de la voiture en précisant que nous devons payer une contravention de 700 DHS. Alain a des sueurs froides, les mains moites, il ne respire plus, il transpire. Le voyant mettre sa main sur le coeur, je crainds qu’il ne fasse un malaise. Intérieurement, je formule des prières pour que tout se passe au mieux et qu’Alain revienne à lui.

Nous descendons de voiture Fatima et moi pour négocier avec les gendarmes et parlons au plus âgé des deux. Nous lui déclarons que nous venons au pèlerinage de Rabbi Haim Pinto, le «Moussem», ce mot magique nous sauve la mise car aussitôt le gendarme décide de nous laisser partir. Pris d’un soudain élan de foi, Alain affirme que les miracles ne font que commencer. 

Essaouira


ESSAOUIRA

A 13h00 tapantes, guidés par notre instinct, nous suivons les barrières le long du mur fortifié du Mellah d’Essaouira. Nous y sommes enfin. La météo est plus clémente, il fait chaud, le soleil brille. Essaouira est une jolie petite ville propre, un port de pêche dont le bleu vif est la couleur dominante. C’est une tapisserie –ton sur ton- de Van Gogh entre le ciel et l’océan.

PELERINAGE RABBI HAIM PINTO

Nous garons la voiture à proximité du Cimetière Juif d’Essaouira où Samy nous attend avec impatience. Sur place, nous rencontrons pas mal d’amis et de connaissances de Casablanca auxquels nous nous joignons pour le pèlerinage au Sanctuaire du Tsadik Rabbi Haim Pinto. 


Cimetière Juif d'Essaouira et la tombe du Tsaddik.

Le Tsadik repose sous une coupole dans une chambre au milieu du Cimetière. Je lève les yeux pour admirer le lustre en cristal bleu et blanc suspendu au plafond sculpté. Les hommes complètent le Minyane (Qorum avec un effectif minimum de 10 hommes autorisant la prière collective). Les femmes s’installent de l’autre côté de la Mehitsa (rideau séparant les hommes des femmes) pour lire les Téhilim (Psaumes).

Bon orateur, Jacky SEBBAG, natif d’Essaouira s’exprime d’une voix claire pour rappeler aux personnes présentes l’importance de la Téshouva à trois jours de Rosh Hashana (Nouvel An Juif) et des larmes versées au moment de la prière. L’homme doit faire une introspection et pleurer ses actes passés avant de s’engager devant l’Eternel. Car il n’y a que lui et lui seul à qui nous devons adresser nos demandes. Le Tsadik devant lequel nous sommes debout et que nous implorons de toutes nos forces n’est que l’intermédiaire entre D... et nous. C’est le ciment qui nous attache et nous rapproche de Hashem. Le Tsadik a la force d’intercèder en notre faveur pour que nos suppliques soient agréées car Hashem ne refuse rien au Tsadik. C’est la raison pour laquelle, l’homme doit faire preuve de Hakarat Tov (reconnaître le bien) et revenir pleins de gratitude lorsque ce que nous demandons à Hashem par l’entremise du Tsadik se réalise. Tout comme nous rendons grâce à l’Eternel par un Birkat Hamazone (actions de grâces) après avoir pris un bon repas. 

Les phrases de l’officiant brèves et concises vont droit au coeur. Il touche les esprits, éveille les consciences. Il bénit le public puis s’empare du Shoffar (Cor) dans lequel il souffle. Dans la foule pieuse et recueillie, l’émotion est palpable. La salle entière résonne et vibre. Un frisson général saisit hommes et femmes, à cet instant précis où -Juifs et Musulmans- Sépharade et Ashkénaze- communient côte à côte. «Nous sommes tenus par toutes les règles de la justice et de l’équité, de faire confiance à la nouvelle année pour être bonne, jusqu’à ce qu’elle donne la preuve qu’elle est indigne du crédit que nous lui accordons». Nous restons sans voix à écouter nos prières et celles muettes des autres.

Le Cimetière Juif d’Essaouira est un Cimetière propre, bien entretenu, complètement préservé. Les tombes sont bien alignées, chaulées. A l’entrée, il y a des robinets et une cheminée en fer pour l’allumage des bougies.

C’est un Cimetière couché sur les flancs de l’Atlantique, derrière de hautes murailles. Les morts sont parfaitement paisibles et il est tout à fait possible de humer l’air marin, d’entendre les flots et le clapotis des vagues contre les rochers. J’ai une pensée pour le grand poète, écrivain, philosophe, humaniste Souiri Amran Edmond Elmaleh, dernier homme à être enseveli dans ce Cimetière et me dirige vers la dernière allée pour lui rendre hommage et lui dédier une bougie. Nous avons du mal à partir, aussi nous restons un moment à profiter de cette douceur de vivre !

En face se trouve le Mikvé (sorte de piscine servant de bain rituel). Samy décide pour honorer la coutume avant Rosh Hashana de faire trempette pour se purifier. Nous attendons dehors et l’entendons barboter comme un gamin dans l’eau froide, ce qui a pour effet de nous faire sursauter.


Nous nous rendons ensuite à la maison rénovée de Rabbi Haim Pinto dans l’enceinte du Mellah. Nous traversons des ruelles étroites. Les escaliers sont en colimaçon. Le rez-de-chaussée est sobre, décoré avec un mobilier en fer forgé. Tout est reluisant de propreté. Une rampe en aluminium pour faciliter la montée des marches et prévenir tout accident. De longues bougies sont disposées de part et d’autre dans un patio au toit haut. Au fond, se trouve un salon avec un canapé jaune sur lequel nous nous posons pendant queMalika, la responsable raconte à Samy deux séquences ayant trait à Rabbi Haïm Pinto. Samy la prend en photos et lui pose une série de questions. Elle se prête au jeu avec délectation. Au premier étage, les chambres contrastent de fraîcheur avec la chaleur du dehors. L’une des pièces abrite le bureau de Rabbi Haïm Pinto et la bibliothèque. A l’étage au-dessus, une belle petite Synagogue bien structurée et au fond le Hekhal (arche) contenant des rouleaux de la Torah. Un peu plus loin, un salon bas servant de salle de prière pour les femmes. Au final, c’est une ancienne demeure traditionnelle s’élevant sur 3 étages. Nous sommes stupéfaits devant les manuscrits et objets de culte de ce petit musée, lieu de beauté, de détente et de sérénité. 

En sortant de la maison de Rabbi Haïm Pinto, nous remarquons face à nous dans un corridor une pancarte en hébreu et décidons d’y entrer. C’est l’ancienne école Talmud Torah devenue école musulmane. Sur des tables sont alignés des registres, des fiches d’inscription d’enfants ainsi que de grands livres en hébreu datant d’un demi-siècle. Nous faisons lecture de ces fiches dont les dates de naissance des enfants remontent aux années 1957-1959.

Tenaillés par la faim, nous avançons à travers les ruelles et tombons sur un épicier vendant du pain rond brulant tout juste sorti du four. Nous partageons ce pain et buvons de la limonade glacée pour tenir. Nous nous arrêtons dans des boutiques pour tester l’huile d’argan tant prisée par Samy. L’herboriste vante aux hommes les vertus du viagra marocain.

ESSAOUIRA - Une perle dans les eaux

Ayant parcouru toutes les artères du Souk, nous nous arrêtons dans une petite boutique où une femme de type européen propose toutes sortes de cosmétiques, savons, huile d’olive, huile d’argan de première pression de haute qualité, de loin la meilleure de celle que nous avions goûtée. Samy la complimente sur l’arôme de son «huile» préparée soigneusement. Quelques larmes coulent sur les joues de la patronne de la boutique, touchée que certaines personnes puissent enfin se rendre compte du mal qu’elle se donne pour ses clients.

De fil en aiguille, je suis attirée par «ses pouces préhistoriques et trapus» similaires aux pouces d’Alain et aux miens, ce qui provoque un rire général.

Alain définit avec assurance que les détenteurs de ces pouces sont des personnes intelligentes. Mme Chantal Herzog se livre à des confidences sur sa judéïté et son ascendance ashkénaze avec des affiliations trouvant leur origine dans le berceau des Sépharades. Allez savoir ! Le monde est si petit parfois !

La prochaine fois que je serai à Essaouira, j’irai la saluer. Elle est tombée amoureuse du Maroc. Pour Essaouira, elle a tout plaqué, renoncé à son pays, la France pour vivre dans un lagon bleu en mettant toutes ses économies dans une minuscule échoppe.

L’heure du déjeuner étant dépassée, nous nous installons dans un restaurant de poissons en plein air dans un cadre impersonnel, mais convenable. On nous sert des sardines grillées et une salade de tomates. Nous mangeons avec appétit partageant notre ration avec les chats venus en famille faire la fête. Une mouette perchée au-dessus du restaurant harcèle de ses cris perçants le garçon qui lui jette des crevettes. Il est 16h00 passé, il faut penser au retour avant qu’il ne fasse sombre.

Samy se dévoue pour aller chercher la voiture car nous sommes fatigués après une longue marche. Il tarde à venir ce qui nous inquiète. Il semble qu’il ait été arrêté par un policier parce qu’il parlait au téléphone, ce qui est interdit.

Samy doit récupérer ses effets personnels laissés à l’hôtel. Nous faisons un détour par un Riad «Villa Quieta » portant bien son nom car il invite à la volupté, au luxe, au farnienté et à la paix de l’âme. Le Riad s’ouvre sur un immense patio au milieu duquel trône une fontaine d’eau. L’architecture est arabo-andalouse, de style mauresque: Original par ses sculptures en bois, ses plafonds incrustés, ses colonnes en marbre, ses samovars en cuivre, ses jarres en porcelaine et ses ornements somptueux faits de tapis d’Orient. Des jardins à perte de vue, des arbres immenses, une piscine en forme d’haricot. Nous sommes frappés par la splendeur de ce coin de paradis sur terre, son calme olympien, où tout n’est que pur enchantement.

ESSAOUIRA – Une oasis dans l’Atlantique

«Le cœur contient des trésors cachés, tenus secrets et plombés de silence» Charlotte Bronte
Dans une voiture étrangère stationnée près de l’entrée, est assis un homme d’âge mur. C’est un médecin aux yeux bleus et au teint buriné. En nous voyant passer près de lui, il s’est lancé dans un monologue en dressant le profil psychologique d’Alain, fait de stress et d’anxiété. Simple hasard, ou oeil averti d’un professionnel, il a vu juste. C’est un monsieur qui a l’habitude de passer ses vacances à Essaouira depuis 40 ans et goûter à sa quiétude champêtre. Il semble qu’il ait eu lui aussi le coup de foudre pour cet îlot. C’est la deuxième personne que nous rencontrons en si peu de temps qui tombe amoureuse de ce refuge, mais «c’est dire si le cœur a ses raisons que la raison ignore».

ESSAOUIRA - CASABLANCA

Samy a une physionomie tendre, joviale et bonne enfant. Il est de ces êtres insouciant qui caresse mille projets à la fois et c’est ce qui le rend sympatique à nos yeux. L’euphorie est sa marque de fabrique, ce qui le rend charmant et charmeur. Alain passe à l’arrière, nous sommes exténués, mais ivres de spiritualité. Samy prend le volant et ne cesse de fredonner sa chanson préférée, «Les Gens du Nord », «Les Gens du Nord ont dans les yeux le bleu qui manquent à leur décor». Les Gens du Nord devraient s’installer à Essaouira, ville bleue par excellence !

Je suis la première à somnoler et à sombrer dans mes rêveries. Comme un rien suffit à m’émouvoir, je nous imagine volontiers Fatima et moi posséder une petite parcelle de cet endroit idyllique. Je peux toujours fantasmer moi qui n’ai même pas un IPAD ?

Dans mon cas désespéré, je crois que le rêve est permis même si je ne m’autorise plus ce genre de songerie utopique. Je vais drôlement ressentir l’absence de tout ce petit monde. Alain, Samy, Fatima, devenue ma complice et mon alliée.

A cela s’ajoute la tristesse d’avoir un peu raté ma vie et en pensant à George CLOONEY, de n’avoir pas été invité à son mariage. N’est-ce-pas prétentieux ? L’autodérision a en quelque sorte quelque chose de positif c’est qu’elle n’a pas de limites. 

==  Léa BENHAMOU   ==
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