janvier 25, 2016

Maroc: Qui est Ilyas El Omari, le nouveau patron du PAM?


ilyas el omari presse


Après avoir laissé planer le doute sur sa candidature, allumé mille contre-feux et suggéré cent autres candidatures, le nouveau patron du PAM a décidé de prendre ses responsabilités et de sonner la charge frontalement contre son adversaire structurel, le PJD, en prenant officiellement les rênes du parti dont il était jusqu’alors le numéro 2.

Les militants du PAM auront naturellement choisi l’option de la clarificationLes militants du PAM auront donc naturellement choisi l’option de la clarification, en portant à la tête de cette formation celui qui était considéré comme son Deus Ex Machina. A travers cette élection, le jeune parti aura au moins réussi à prouver qu’il est en ordre de bataille pour les législatives de septembre, qui promettent un affrontement passionnant entre le chef du Gouvernement, Abdelilah Benkirane, et Ilyas El Omari, qui se sont choisis mutuellement comme ennemis intimes depuis de nombreuses années.


Ilyas El Omari succède à Mustapha Bakkoury à la tête du PAM

Un personnage qui cristallise les passions

Beaucoup de choses ont été dites et écrites sur Ilyas El Omari au cours de ces dernières années. Il lui est communément prêté une influence considérable et une redoutable capacité manœuvrière, mais il a également été l’objet de nombre de légendes urbaines, souvent alimentées par ses ennemis, rendant parfois difficile de brosser un portrait équitable de l’homme politique.

Une chose est certaine, El Omari dispose d’une base de soutiens indéfectibles au sein et en dehors du PAM et il est doté d’une capacité certaine à fédérer des courants idéologiques hétéroclites autour d’un discours qui a érigé comme corps de doctrine le refus de voir l’islamisme politique gagner plus de terrain au Maroc.

Ses opposants et détracteurs sont à l’image de ses partisans: acharnés et coriaces.Ses opposants et détracteurs sont à l’image de ses partisans: acharnés et coriaces. Mais pas vraiment de quoi faire peur à un El Omari qui affectionne le rapport de force et s’est fait une spécialité de prendre l’opinion à contre-courant, depuis son ascension spectaculaire des dix dernières années.

Un parcours régional a visée nationale

Outre son passé d’opposant durant les années 80, qui fut largement commenté, il faut remonter au début de l’année 2000 pour voir le nom d’El Omari dans une dépêche de l’agence Reuters. A l’époque déjà, il s’agit de politique, puisqu’est annoncée la création du "Mouvement des démocrates, nouveau parti de gauche", dont El Omari est membre de la commission nationale. Un an plus tard, il est le premier à réagir – toujours sur Reuters - à la création de l’Institut Royal de la Culture Amazigh (IRCAM), dont il se félicite, tout en demandant l’inscription du Tamazighte dans la constitution.

Tout au long de cette première moitié des années 2000, El Omari se positionne régulièrement sur des sujets à forte consonance régionale, militant pour la reconnaissance des effets des gaz toxiques lors de la guerre du rif, tempêtant lorsque les secours n’arrivent pas assez vite lors du séisme d’Al Hoceima en 2004, et croisant régulièrement le fer avec l’Espagne autour de la question de Sebta et Melilla. Il est alors présenté par les médias ibériques comme un "homme d’influence, militant au sein de plusieurs associations".

Missi dominici auprès des anciens opposants

El Omari s’est imposé comme la courroie de transmission discrète entre le palais et les anciens opposants de gaucheMais ce militantisme en faveur du rif n’est en réalité que la face émergée de l’Iceberg en cette année 2004, car El Omari s’est déjà imposé comme la courroie de transmission discrète entre le palais et les anciens opposants de gauche, notamment le défunt Driss Benzekri. L’idée du roi est alors de créer la future Instance Equité et Réconciliation (IER), dirigée par ce même Benzekri, et qui sera considérée comme une initiative salutaire et un geste politique fort afin de solder la page des années sombres du pays. Un exercice de Catharsis collective auquel El Omari aura participé dans l’ombre, gagnant en crédibilité ce qu’il perd en visibilité. Après la disparition de Benzekri, Ilyas El Omari fera partie des membres fondateurs de la fondation pour la préservation de sa mémoire, créée en mai 2008.

A la recherche d’une dimension internationale


Ilyas El Omari rencontre Nkosazana Dlamini Zuma, patronne de l’Union Africaine, organisation dont le Maroc a claqué la porte au début des années 80 (février 2015)

Avec la création du PAM cette même année, El Omari souhaite positionner rapidement le parti sur des sujets à forte dimension internationale, qui lui permettraient de se construire une légitimité et un rayonnement, qui - espère-t-il - rejaillira sur son image au Maroc. Ses plans seront temporairement bouleversés par le "Printemps arabe", qui verra un recul du PAM aux élections législatives de novembre 2011 et une très forte poussée du PJD qui ouvre la voie aux islamistes pour diriger un gouvernement de coalition.

El Omari devra donc attendre sa nomination en tant que Secrétaire général adjoint auprès de Mustapha Bakkoury en 2012 pour pouvoir déployer sa stratégie de puissance sur le plan International. Peu à peu, il se placera au cœur de tous les sujets internationaux impactant le Maroc en faisant feu de tout bois lors des quatre dernières années: conflit du Moyen-Orient, médiation malienne, question du Sahara en Amérique latine, ou encore MRE en Europe. Il ira même jusqu’à rencontrer très officiellement en février 2015 l’intransigeante Nkosazana Dlamini Zuma, patronne de l’Union Africaine, organisation dont le Maroc a claqué la porte au début des années 80…

Patron de région et de médias


Jeudi 10 décembre, Ilyas El Omari lançait son groupe de presse "Akhir Saa" en grande pompe à Rabat

C’est le terrain régional, une fois encore, qui permet à El Omari d’étoffer son envergure globale, en prenant la tête de la grande région Tanger-Tetouan en septembre 2015, après une campagne des élections locales où le PAM a croisé le fer avec le PJD d’une manière très violente et où le chef du gouvernement a fait d’El Omari sa tête de turc lors de quasiment tous ses discours.

El Omari a déjà vécu six vies en accédant à la tête du PAM. Ne lui reste plus qu’à en écrire la septième…Au printemps 2015, El Omari devient patron de presse, créant pas moins de six médias à la fois. L’inauguration de son groupe "Akhir Saa" se transforme en démonstration de force du réseau très étendu de celui dont il se murmure déjà qu’il serait sur les rangs pour succéder à Mustapha Bakkoury à la tête du PAM.

Opposant, militant, missi dominici, businessman, patron de presse puis chef de parti, Ilyas El Omari a déjà vécu six vies en accédant à la tête du PAM. Ne lui reste plus qu’à en écrire la septième…

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