juin 06, 2016

Panama Papers - Maroc : El Majidi répond

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Me Hicham Naciri est l'avocat du secrétaire particulier du roi Mohammd VI
Le Point Afrique : Dans les révélations en liaison avec l'enquête Panama Papers, coordonnée par le Consortium international des journalistes d'investigation (ICIJ), le quotidien Le Monde évoque le lien direct comme administrateur ou indirect dans le cadre de transactions de Mounir El Majidi, secrétaire particulier du roi Mohammed VI avec des sociétés offshore. Qu'est-ce qui est vrai et qu'est-ce qui est faux dans les allégations avancées ?

Me Hicham Naciri : Je vous confirme que M. El Majidi a bien été administrateur de ces sociétés, qui ont été utilisées l'une pour l'acquisition d'un bien immobilier à Paris revendu depuis et une goélette de 1930 que la plupart des Marocains connaissent. La première société a été cédée avec le bien immeuble et la deuxième a été dissoute. Ces sociétés ont été créées de façon totalement légale et transparente vis-à-vis des autorités marocaines et étrangères. Qu'elles soient immatriculées à Panama, Luxembourg ou ailleurs, je ne vois pas où est le problème, dès lors que rien n'interdit de créer des structures offshore et que ces acquisitions ont été faites en toute légalité.

Il n'y a jamais eu de volonté de cacher quoi que ce soit, si ce n'est dans l'esprit de certaines personnes pour qui avoir un patrimoine propre est forcément suspect. Cacher quoi ? Une goélette de 3 mâts immatriculée au Maroc et visible tous les étés sur la côte de Mdiq dans le nord du Maroc où de nombreux Marocains passent leurs vacances d'été. Un bien immobilier inscrit au cadastre de Paris et dont le bénéficiaire et le schéma de détention ont été partagés avec le fisc français depuis le premier jour ? Pensez-vous réellement qu'une personne qui cherche à dissimuler opère de cette façon vis-à-vis des autorités ? Toutes les informations sur ces biens et leur propriétaire figurent sur des registres publics.

Bien au contraire, ceci démontre une chose, c'est que le patrimoine du roi du Maroc est géré de la façon la plus exemplaire et transparente qui soit. Toutes ces opérations sont faites dans le plus profond respect de la loi, que ce soit au Maroc ou ailleurs.

Si elles ne sont pas toujours illégales, les sociétés offshore sont désormais assimilées à des structures pour dissimuler une fraude fiscale. Que répondez-vous quant à la légalité des structures évoquées par Le Monde, la transparence de leurs opérations et leur respect de la réglementation marocaine en la matière ?

Attention à ne pas tomber dans l'amalgame ! Tout ce qui est offshore n'est pas illégal. La plupart des structures offshores sont créées à des fins licites, avec des motivations qui vont de l'organisation d'un patrimoine ou d'une succession, la structuration d'un groupe, la recherche d'une certaine discrétion dans la gestion de son patrimoine, l'optimisation fiscale, etc. Rien n'interdit d'y avoir recours sur le plan du droit ou de la réglementation fiscale tant que vous poursuivez des objectifs licites. Pour preuve, le nombre et la variété d'utilisateurs qui vont du retraité à la grande fortune, des fonds d'investissement à des multinationales qui ont pignon sur rue pour des motivations diverses et variées sans aucune connotation frauduleuse.

Si l'évocation de Panama fait fantasmer, je vous rappelle que l'État du Delaware aux États-Unis reste un paradis fiscal qui abrite également des structures offshore au même titre que d'autres places étrangères. Le problème vient en réalité du fait que l'utilisation de véhicules offshore a été dévoyée par des fraudeurs qui y ont recours pour des opérations illicites ou pour dissimuler des revenus au fisc de leur pays. Je comprends que ces personnes soient dénoncées pour les actes répréhensibles qu'elles commettent. Pas les autres ! Ce qui est scandaleux, c'est que certains cherchent à créer la confusion en mettant tout le monde dans le même sac pour faire du sensationnel.
Le roi du Maroc jouit-il de privilèges fiscaux pour son patrimoine au Maroc ?

La Holding Royale Siger, sa filiale la SNI et l'intégralité des sociétés du groupe, dont plusieurs sont cotées, sont depuis toujours des opérateurs, comme les autres, sujets à l'impôt à l'instar des autres sociétés et régulièrement contrôlés par le fisc marocain. Rares sont les sociétés qui opèrent avec ce niveau de transparence et de rigueur.

Peut-on dire qu'il y a désormais un avant-Panama Papers et un après ? Si oui, pourquoi ?

Pour les fraudeurs, c'est certain. La tendance de fond est à un contrôle plus lourd de l'identité des bénéficiaires de telles structures et des opérations sous-jacentes pour s'assurer qu'elles n'ont rien de condamnable. Les mailles du filet vont donc se resserrer sur les tricheurs. Pour les autres, le recours à des sociétés de ce type, tant qu'elles existeront, demeurera un outil d'organisation parfaitement légal.

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