septembre 07, 2016

Les Marocains Résidant à l’Etranger : "Serviteurs" de la Nation et parias de la citoyenneté


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Docteur Mohammed MRAIZIKA
(Chercheur en Sciences Sociales, Consultant, Directeur du CIIRI-Paris) 

Il suffit. Nul besoin de rappeler les promesses politiques faites aux MRE il y a belle lurette. Nul besoin d’invoquer les principes constitutionnels d’hier (2011) ou de gloser sur les reniements et les postures partisanes d’aujourd’hui. Les dés sont jetés et les masques sont tombés : la participation des MRE aux élections législatives est belle et bien une "arlésienne"."Que ceux qui savent le disent à ceux qui ne savent pas". 

Une fois de trop

Une fois encore, les MRE sont écartés, avec une étonnante légèreté, de la participation aux élections législatives d’octobre 2016. Ce n’est pas la première fois, mais c’est la fois de trop, celle qui tue l’espoir et éloigne l’espérance née un mois de novembre 2005. Depuis cette date, depuis que les portes de l’espoir d’une représentation politique équitable des MRE se sont entre-ouvertes, l’idée même d’une présence des MRE au sein de l’institution parlementaire n’a cessé de subir toutes sortes d’outrages. En sous-main ou ouvertement, avec constance et un acharnement particulier, tout a été tenté pour la minimiser et pour réduire sa portée à sa plus élémentaire expression (procuration et vote électronique). 

Comble de l’outrage et du déni du droit, tout ce que la Constitution de 2011 a posé comme principes d’égalité devant la marocanité et la citoyenneté (article 30) et réalisé comme avancées (articles 16-17-18 et 163) démocratiques au profit des MRE, a été volontairement congelé pour finalement fondre comme neige au soleil. 

Quel gâchis ! Plus de 11 ans de faux-fuyants, de dénigrement systématique, de manœuvres dilatoires ont brouillé le message initial (droit de vote et d’éligibilité des MRE) du discours royal historique et prometteur de novembre 2005, et noyé une revendication légitime dans un magma de considérations fallacieuses et de discours hors propos. Il aurait été plus intelligent et plus constructif 

de consacrer tout ce temps à régler les vraies questions techniques (listes et circonscriptions électorales, mode d‘élection), à traduire dans les faits les principes affirmés en novembre 2005 par l’autorité suprême du pays et à rendre effectifs les droits civiques annoncés en 2011. 

Prendre la décision d’écarter les MRE de la participation aux législatives d’octobre 2016 dans le contexte national et international actuel (montée de l’extrémisme, du fanatisme et du populisme) est irresponsable. C’est à la fois un gâchis considérable (exclusion de plus de 4 millions et demi de marocains) et une impardonnable faute politique et morale. Personne ne doit donc s’en réjouir. 

Rira bien qui rira le dernier

La décision d’exclure les MRE du processus électoral est en soit un manquement caractérisé à la parole donnée. Pire, elle est l’exclusion de trop, celle qui fait céder les digues de la confiance chez les MRE, pour laisser libre court à la suspicion et à la méfiance. Cela est d’autant plus grave qu’aucun argument politique censé et recevable n’a été apporté pour justifier cette exclusion. Tout ce qui a été inventé, combiné, trouvé et mis en avant durant une décennie pour contrer l’arrivée des MRE au Parlement, se révèle aujourd’hui inconsistant et léger. 

En effet, les difficultés logistiques mises en avant par les fossoyeurs de l’idée de représentation politiques des MRE au Parlement ne sont qu’un misérable alibi. L’organisation du référendum de 2011 a montré que ces difficultés sont surmontables. La thèse du désintérêt des MRE pour la chose politique, que ces mêmes fossoyeurs développent à tout bout de champ, ne résiste pas non plus à l’analyse. L’implication réussie des MRE dans la vie publique et politique des pays d’accueil est là pour prouver le contraire. L’intégration des membres d’une "diaspora" dans les sociétés d’accueil n’est nullement incompatible avec l’exercice de leurs droits civiques dans le pays d’origine. Dire le contraire c’est insulter l’intelligence des pays (Tunisie, Egypte, Algérie et des dizaines de pays occidentaux et africains) qui en ont fait l’expérience en favorisant la participation de leurs ressortissants installés à l’étranger dans la vie publique et politique nationale. 

La fameuse crainte de la victoire des "barbus" aux législatives marocaines est une aberration. C’est un chiffon rouge agité hier par les "anti-islamistes" de tous bords (libéraux, laïcs, dits progressistes) pour contrer le PJD et tiré aujourd’hui d’un terroir poussiéreux par ce même PJD, pour justifier sa volte face et le reniement de ses engagements d’avant et après 2011. Donner quitus à des "salafistes" et accorder le label partisan à des prédicateurs controversés, pour grignoter quelques sièges le 7 octobre, semble plus recevable et plus digérable que la reconnaissance à plus de quatre millions et demi de MRE des droits civiques constitutionnalisés. 

N’en déplaise aux oiseaux de mauvais augure, les MRE ne sont pas une menace, des conquérants avides de sièges au Parlement et de strapontins au gouvernement. Mais de sérieux atouts pour la moralisation de la vie publique et l’animation du jeu politique national qui a du mal à se renouveler. 

Tout compte fait

Les chantres de la négation des droits civiques des MRE, présents dans toutes les écuries partisanes, ont beau dénigrer et combattre l’idée de la présence des MRE au sein du Parlement et dans les instances dites"de bonne gouvernance", elle reste vivace, car elle est légitime et juste. Elle finira par triompher sitôt les droits constitutionnels qui leurs ont été reconnus, mais congelés durant la législature qui s’achève, sortis de leur hibernation forcée pour devenir effectifs et imposables à tous.

"Que ceux qui savent le disent à ceux qui ne savent pas", que rien ne découragera les MRE de la poursuite de leur combat pour une revendication légitime : Citoyenneté marocaine égale pour tous (article 30 de la Constitution de 2011). Rien ne détournera ces serviteurs de la Nation, peu enclins à se servir, de l’amour de leur patrie. Ils y ont construit et investi sans compter pour que cette patrie vive digne, stable et prospère. 

Les MRE, ces fidèles entre les fidèles à la devise sacrée de leur pays (Dieu, la Patrie, le Roi), resteront en dépit de tout (spoliation des biens, cherté des billets de transport, déficit de l’offre culturelle, difficultés économiques…) attachés à leurs racines culturelles et fidèles à leur marocanité. 

Ils répondront présents à l’appel lancé le 20 août 2016 par leur Souverain, pour contrer le fanatisme religieux et promouvoir les valeurs de tolérance, de fraternité et d’entente entre les peuples et les Nations, prônées depuis 15 siècles par l’Islam. Ils sont et resteront les ambassadeurs et les transmetteurs exemplaires de ce modèle marocain, singulier et historique, du "Vivre Ensemble" et du respect de la différence et du pluralisme (Cf. Préambule de la Constitution de 2011). 

Priver les MRE de leurs droits civiques, après les avoir constitutionnalisés en 2011, c’est renier tous ces atouts et acquis, c’est écœurer toutes ces compétences et brader toutes ces potentialités. Pire, c’est leur signifier du mépris et leur opposer ce qu’il y a de plus humiliant : la "Hogra". 

Il y a une morale à cette histoire d’exclusion politique et électorale des MRE de l’échéance d’octobre 2016 : "tel est pris qui croyait prendre" (fable de La Fontaine, Le Rat et l’Huître). Pendant que les écuries partisanes s’agitent et se déchirent pour des postes et des strapontins, pendant que les alliances politiques et les mariages électoraux contre-nature se font et se défont au mépris de toute morale politique, pendant que la chèvre, le chou et le loup sont embarqués (Laïcs, communistes, religieux, salafistes…) sur la même barque, pendant que le nomadisme partisan frôle le ridicule, les MRE seront hors mêlée, la conscience tranquille et la tête haute. 

Avec ou sans la participation aux élections d’octobre 2016, les MRE seront toujours attachés à leur marocanité et fiers de ce pays millénaire dont ils sont les enfants légitimes. Ils seront toujours les défenseurs et les promoteurs des causes et intérêts de leur seul et vrai parti : le MAROC. "Que ceux qui savent le disent à ceux qui ne savent pas". 

Docteur Mohammed MRAIZIKA

(Chercheur en Sciences Sociales, Consultant, Directeur du CIIRI-Paris)

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