janvier 22, 2021

Abdeslam Ouaddou : «J’ai été trompé à Oujda»

 Abdeslam Ouaddou (42 ans) ne s’attendait pas à une telle issue avec le MC Oujda. Pour sa première expérience d’entraîneur, il est, en effet,

 licencié au bout de trois mois. L’ancien défenseur des Lions de l’Atlas se sent ainsi trompé. Il n’ira pas alors au bout de ses quatre ans de contrat. Pour Sport News Africa, il livre sa version des faits. Sans langue de bois…Entretien.

Abdeslam Ouaddou, comment êtes-vous devenu l’entraîneur du MC Oujda ?

À la fin du championnat, Oujda recherchait un coach. Après le départ de l’Algérien Abdelhak Benchikha. Le président Mohammed Houar m’a contacté, il est venu à Paris pour me rencontrer. Nous avons discuté pendant presque deux jours. Il y avait un projet sportif. Le club venait de finir cinquième. L’idée était de confirmer et de finir dans les dix premiers. Il était aussi question d’une vraie politique de formation. Avec une école de foot, de la préformation et de la formation. Egalement, un volet de développement de la marque MC Oujda, via la digitalisation, les réseaux sociaux. Des projets pour créer des revenus, via le sponsoring. Avec mes diplômes et ma formation au Centre d’économie et du droit du sport de Limoges, j’avais le statut d’entraîneur-manager.

Quelles étaient les garanties apportées par le président Houar ?

Que le club disposerait d’un budget de 45 millions de dirhams (2,9 milliards FCFA). Dont environ un tiers consacré au recrutement puisque dix joueurs venaient de quitter le club. Un président qui se déplace pour vous rencontrer, qui vous fait signer un contrat de quatre ans, il vous donne l’impression de vouloir construire sur le long terme. Mais après mon arrivée à Oujda, j’ai petit à petit compris certaines choses.

Le président d'Oujda, Mohammed Houar

«Des joueurs n’étaient pas payés depuis des mois»

Quelles choses?

Il y a beaucoup d’exemples. J’ai d’abord appris que des joueurs n’étaient pas payés depuis des mois. Il y a eu aussi des licences de joueurs bloquées à la fédération. Car, le club n’avait pas déposé certaines garanties financières. On m’avait aussi parlé d’un terrain d’entraînement opérationnel pour le 20 novembre. Finalement, c’était fin février. Il fallait parfois faire une heure de bus pour aller faire nos séances, à Saïdia… Un jour, pour partir en stage à El Jadida, j’ai payé de ma poche les frais pour la location de notre bus. J’ai fait venir des joueurs – avec l’accord du président -, qui étaient intéressés par le projet. Le Guinéen Demba Camara (ex-AC Ajaccio, Paris FC, Troyes, Gaziantepspor), le Mauritanien Abdoul Ba (ex-Auxerre), par exemple. Ils n’ont jamais reçu la prime à la signature promise, ni touché un seul salaire. Ils étaient logés dans un hôtel pourri. Et un jour, la direction du club a exigé qu’ils quittent l’hôtel, sous quarante-huit heures. Pour trouver un logement, alors qu’ils n’étaient pas payés!

Les termes de votre contrat ont-ils été respectés ?

Pas du tout! Je n’ai pas touché un seul dirham de salaire. Mais le président, lors d’une conférence de presse, m’avait chargé. Dévoilant au passage mon salaire que je n’ai d’ailleurs jamais touché. J’étais logé à l’hôtel, je n’avais pas la voiture de fonction promise. Avec mon staff technique, on devait prendre systématiquement le taxi, ce qui n’est pas toujours idéal…

Victime de violence physique

Il y a également eu cet épisode surréaliste où le chauffeur du bus vous a frappé, le 12 décembre, avant un déplacement à Casablanca contre le Raja…

Oui. J’avais fait venir Frédéric Roux pour entraîner nos gardiens. Il avait d’ailleurs touché son premier mois de salaire. Mais la direction avait décidé de le limoger. On a voulu l’empêcher de monter dans le bus qui devait nous conduire à notre hôtel, à Casablanca, le jour de match. Je m’y suis opposé, et un chauffeur de bus, qui travaille avec le club depuis un certain temps, m’a mis un coup de poing. J’ai filmé la scène avec mon téléphone. En novembre, avant la reprise du championnat, j’avais demandé que les joueurs soient payés. Je crois que ça n’avait pas plu à la direction du club.


Quelles étaient vos relations avec la direction d'Oujda ?

Quasiment inexistantes! Il était quasiment impossible d’avoir le président, qui ne répondait pas ou ne rappelait pas. Avec son comité exécutif, c’était la même chose. Ces personnes savaient très bien comment je fonctionne. Je dis les choses, j’ai des valeurs. Je ne pouvais pas accepter que les joueurs ne soient pas payés. Que leurs contrats ne soient pas respectés. Je l’ai dit, ils n’ont pas aimé. Mais je suis comme ça. Je n’allais pas rester les bras croisés, sans rien dire.

«Oujda est entre les mains d'incompétents»

Vous avez été hospitalisé pendant plusieurs jours…

Oui. Un gros coup de fatigue. Travailler dans ces conditions, avec des dirigeants qui ne tiennent pas leurs engagements, le harcèlement, les coups portés par le chauffeur. Ça fait beaucoup. Mais ils ont prouvé qu’ils pouvaient aller plus loin. Quand je suis revenu reprendre mon travail, j’ai appris par un huissier de justice que j’étais licencié. Via une simple note d’information. Il n’y avait aucun motif! J’ai saisi la Fédération marocaine. On m’a proposé une solution que je ne pouvais pas accepter: un avenant au contrat de travail. Mais pour une durée d’un an. Alors que j’avais signé quatre ans, et avec le statut d’entraîneur. Pourtant, le contrat stipulait que j’étais entraîneur-manager. Aujourd’hui, le dossier est entre les mains de mes avocats.

Comment résumeriez-vous votre bref passage à Oujda ?

J’avais signé quatre ans. Je suis resté trois mois, en dirigeant deux matchs de championnat. J’ai été trompé. Toutes ces promesses non tenues. Ces engagements non respectés, vis-à-vis des joueurs, de mon staff, de moi-même. Ce n’est rien d’autre que de l’escroquerie. J’ai appris que le président avait l’habitude de ne pas payer les joueurs, de ne pas répondre au téléphone. C’est dommage, car Oujda est, avant tout, un club qui peut compter sur de vrais supporters, avec un bon potentiel de joueurs. Mais il est tout simplement entre les mains de personnes incompétentes. J’ai régulièrement des joueurs au téléphone, qui me disent qu’ils ne sont pas payés. Abdoul Ba est ainsi parti, juste après moi. Je souhaite beaucoup de courage à Bernard Casoni, mon successeur…

Propos recueillis par Alexis BILLEBAULT

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